Critiques

Critiques de livres, films, musique.

53 réponses à “Critiques”

  1. f4 dit :

    Travaux critiques, livres, films, idées, classés par ordre chronologique ↧

  2. Réflexion sur le cut-up (blm) dit :

    Réflexion sur le cut-up à partir d’une critique du film « Cloud atlas », super production allemande à 100 millions de dollars.

    Résumé: Des personnages à des centaines d’années d’écart sont reliés par des lettres manuscrites, transmises et conservées de générations en générations.
    En elles réside la clé de la survie d’un monde en proie à d’opaques forces de mort.

    Il y a dans ce film et dans pas mal d’autres aujourd’hui, quelque-chose d’étonnant qui tient à la fois du marketing et du design mental. J’imagine les réunions entre scénaristes et producteurs qui ont assumé le fait qu’ils allaient produire un film sans aucune espèce de substance autre que ce qui nous anime lorsque l’on est débranché devant la télévision: une idiotie active, supra réelle, animale, faite de lointains stimuli nerveux, de temporalité à tiroirs, de symboles flous. Leurs producteurs ont fait le pari que cette addiction ou cette accoutumance, cette adaptation moderne du cerveau, leur ont donné le droit de produire un cinéma insensé basé sur un tempo et des flous symboliques empruntés aux blockbusters précédents. Les intrigues se jouent à court terme et ne sont reliées à rien. En somme : ce film synthétise dans son découpage l’effet que produit en nous l’action de changer continuellement de programme. Histoire d’amour, survie, famille, fin de vie, jeunesse, recherche du père, sauver le monde… On ne comprend rien, et surtout, on ne comprend pas ce qui pourrait relier ces êtres et ces histoires.

    Quand on regarde ces blockbusters conçus selon des principes dramatiques abstrait, tel ce « Cloud atlas » insipide, et tant d’autres films, que se passe t-il en nous? …

    Eh bien, si je n’ai pas été choqué au premier abord par l’inanité du script, je me suis laissé bercer par des signaux sans cesse renouvelés de moments paroxystiques entre les personnages. C’est comme dans un rêve, l’interzone, l’entre-étage de la pensée. C’est un non sens absolu, mais c’est CONSTRUIT, en faisant comme si cela nous disait quelque-chose, mais cela ne nous dit rien.

    Ces procédés fonctionnent sur des durées courtes, des concentrés d’esthétique, des essences rares comme il s’en échappe parfois de musiques ou de certaines poésies modernes.

    En ce qui concerne le Cinéma, nous sommes devant les signaux d’une nouvelle ère, des agroglyphes que Godard lui-même ne renierai pas. Seulement, Godard et ses films nous apportent une substance poétique, politique, sociale: l’esthétique du réel; tandis que ces blockbusters entraînent avec eux le spectateur dans une impasse didactique. Plus personne ne pourra résumer ces films, et d’ailleurs, plus personne n’en manifestera de mécontentement. Un nihilisme nouveau et mécanique nous entraîne dans la seule voie possible: la contemplation, et surtout, le désengagement, puisqu’alors tout et son contraire prennent part à la vérité, dans un monde stabilisé par le réseau, où tout a valeur égale.

    Souffrances et échecs probables d’un psychédélisme multimédia ? Techniquement, cela vient confirmer en parallèle des désirs de pouvoir sur l’abstraction, pour contenir et soustraire la complexité en la réduisant à une narration éclatée.

    Ces oeuvres n’auront de cesse de contenter une approche hypnotique et fantasmagorique de nos symboles, reflets de nos vies intimes sans construction. Celles-là sont alors entretenues, approvisionnées.
    Ainsi le cut up, instrument critique et libérateur du vingtième siècle, sera au vingt et unième une imbécile manière de nous vider un peu plus la tête.
    Nous encenserons les dieux de la multitude, de l’absurde, de la complexité irrésolue.
    Agrémentés de non-faits impossibles à commenter, reliés à rien, et d’oeuvres qui le seront tout autant, nous ne feront rien contre.

    Notre vie ne sera jamais une oeuvre.

    Brieuc Le Meur (auddie)

  3. michel dit :

    Donoma de Djinn Carrénard

    un très beau film autoproduit, sorti l’an dernier et porté à bout de bras par l’auteur et l’équipe du film aux quatres coins de France, avec une énergie magnifique

    Ah il a choppé quelque chose de rare et subtil ce Djinn Carrénard dans son Donoma. Il a attrapé ce truc qui fait que tous les autres films ont soudain l’air d’être des objets parfaitement spécieux et scandaleusement coûteux. Ce film révèle ce que tous les autres ont de compassé et de finalement juste très chiant. Pas de chichiteries, pas d’histoire à dormir debout, pas de déploiement de pognon ni de strass, exit les poses affectées cinélogiques, mais de l’intelligence, de la poésie, de la nécessité et de la grâce. C’est tout le charme de ces productions désargentées, qui carburent à l’énergie et à la foi, et qui ne doivent leur succès qu’à la pertinence de leur propos.

    « Un film autour de l’amour » qu’il dit le Carrénard. « Je m’intéresse aux deux moments clés de l’histoire d’un couple: sa naissance et sa fin ». « Entre les deux, ce n’est la plupart du temps qu’un malentendu » qu’il dit encore le Djinn (il ne le dit pas comme ça, mais l’esprit y est). Et effectivement on voit toutes sortes d’individualités, toutes sortes d’histoires, essayer de se sublimer à travers l’amour. On voit comment l’amour se prend des retours de réel dans la gueule et tente sa chance ailleurs et autrement. Il y a cette histoire scabreuse entre une prof d’espagnol délurée et son élève récalcitrant, d’origine espagnol lui aussi, qui vont se rentrer dans le lard à travers cette langue, chargée pour chacun d’eux, d’une valeur affective diamétralement opposée. Il y a cette « sainte » qui s’occupe de sa sœur leucémique qui entrave son individualité, cette « sainte » qui voit surgir des stigmates christiques sur son corps lorsqu’elle s’intéresse à un skinhead repenti cherchant Dieu, cette « sainte » qui explique à sa psy qu’elle lévite, et que cette dernière tentera de faire interner. Il y a cette surprenante et magnifique histoire d’amour silencieuse entre cette fille qui tente d’échapper à un pseudo-déterminisme qui voudrait qu' »on s’associe toujours amoureusement à des gens qui nous feront du mal » et qui choisi donc son amoureux au hasard et impose une loi du silence à leur relation, jusqu’à ce que la situation devienne ingérable.

    Qui sont et d’où viennent ces personnages ? Ils sont très différents les uns des autres, différents dans leur couleur de peau, dans leurs origines, dans leur classe sociale, dans leurs motivations, mais tous ont des individualités très fortes, excepté peut-être le personnage que joue l’auteur lui-même, et qui semble faire fonction de contrepoint. Ces personnages apparaissent comme des individus émergents d’un collapse idéologique où se retrouvent les problématiques du racisme, de la lutte des classes, de la signification du mot dieu. Mais tout ça c’est du blabla, c’est de la cosmétique, en réalité ils doivent juste se débrouiller dans un environnement instable et incertain. Le rapport à l’amour est particulièrement intéressant dans ce film, pas de sublime adéquation entre deux êtres, mais une perpétuelle négociation du geste amoureux. Une sorte de gestion économique de l’amour.

    Les personnages passent d’un récit à un autre, les récits se mélangent, la chronologie s’inverse. Les espaces sont atomisés et les personnages sont la plupart du temps enfermés dans des plans serrés; on ne trouve quasiment jamais de plan d’ensemble permettant de situer les personnages et les choses les unes par rapport aux autres. Pas de plan d’ensemble donc, mais une caméra qui colle aux personnages et les suit dans leurs errements, une caméra portée avec une courte profondeur de champs, mouvements fébriles, incessantes mises au point. Une musique aux allures new-âge et aux vertus relaxantes (j’ai pas dit laxatives), vient régulièrement détendre le propos, sans lui conférer cependant de couleur particulière.

    Il y a quelque chose de Cassevetes dans ce film, peut-être avec plus de douceur, alors même que Djinn Carrénard n’y fait guère référence. Mais il y a cette même volonté de sortir des mécaniques de fonctionnement artificiel, de tomber les masques, d’exposer l’humanité dans sa crudité, dans sa fragilité, dans son évanescence.

    Donoma, c’est un film qui, lorsqu’on le regardera dans 50 ou même 100 ans, nous renseignera sur la fébrilité de la jeunesse française, dans les années 2010-2011.

  4. auddie dit :

    EMPTY SET (Live act)

    Ce qu’ils sont beaux, ces reclus du message, ces gens qui ne dansent ni ne pensent la fascination dans les intervalles pleine foule. Tellement d’humiliations les soulèvent les emportent loin du chemin du nord action distance. On comprend (leurs malheurs). On estime ce qui lie les violences, celles du front chaud d’inerties malades, quotidiens noir en survie constante, esthétique molle du 8h/19 h, artifices malhabiles des intérieurs, qui nous montrent la vérité du cru. Non, ils filent d’autres mailles brillantes sur fond noir. Sorti du fond de la piscine, fond commun de toute cette société, la vôtre et la mienne – se disent t-ils tous. Ces beaux jeunes gens se retrouvent un mardi à xxxx et soudain on comprend que le sujet n’est pas : les minorités, ni: l’avant garde, ni: la techno, ni: la révolution, ni: l’Europe. Mais je m’égare. Je voudrai rester sur le plan principal de cette note: ce festival, cette party-là. La musique démarre, fonds d’acid sur bases de kick. Ça vrombit dans l’imprécision. Très filtré, des trucs comme ça. Et un noise s’engage. Soudain -sans rythmique- se dégage un arpège entêtant qu’une cymbale type 808 caresse d’un revers. Loin de la fête habituelle du lieu, l’intensité a pourtant repris son droit le plus strict à la colère, à la rage, et surtout: à la vengeance.

    Nous reparlerons de ces gens, compositeurs ou auditeurs, qui dans les limites du temps imparti veulent se retrouver entre-eux. Et la pluie distille ses voix d’oracle, qui, à mon goût, et sûrement à celui des autres, sont sur-évaluées. J’ai déjà entendu ça 1000 fois, cet arpège analogique – plus résonnant quand il métal, dans le haut du filtre, très beau. Je commande ma troisième Vodka Ginger Ale. J’ai rencontré une métis londonienne, puis je l’ai perdue. Noire est la coupe, noire est la coupe. La phrase acide se noie dans un rêve perturbé, alcoolisé, maintenant j’entends la distorsion, je trouve que ce balais gratte et glisse une acoustique pleine qui rempli tout. Puissance terrible. Limite de la jouissance immobile, prêt à exploser.

    C’est bien là-dedans que je voudrai vivre. Dans cette salle. Avec ces gens.
    Pourquoi c’est rythmique? Pourquoi? C’est déjà du breakcore, et ça accélère.
    La liberté n’a pas de prix
    et pourtant, tout me coûte –
    Le ginger ale Vodka
    Cette entrée à 20 euros –
    Une réorganisation.

    * * *

    Je voudrai mettre ça sur le compte d’une tension active.
    Rumble is the rumble.
    La crème de la crème – oublie que seul un français –
    Saura cuisiner tout ça.
    « Empty set » : fond de side chain. Presse sur les basses qui, quand elles se dépressent, laissent passer les bruits sales et blancs et crasseux par effet de pompage, de dépression.
    Le logiciel d’analyse météo se brise.
    Crasseux d’effet et de compression extrême qui laisse flatuler quelques reliefs imprécis. tremble d’intention.
    Si je devais vous montrer comment ces actions se précisent, il me faudrait mêler en deux parties un extrême grondement saturé aux limites, soyeux, plein de nerfs, basse infernale, religieuse, grecque,
    puis un strident arme vent.
    puis mêler les deux dans la même presse.
    La presse est l’instrument.

    Jusqu’au sol – humilié – plus bas que terre ensemble les deux qui ne se ressemblent pas; mais dans le même voyage ils se pétrifient ensemble – et si la presse dit non, alors l’un des deux jaillit de rage, de colère. Mais dans le même temps se mêle le oui le non. Le non donne ses bras et ses jambes au oui, qui tremble sous la presse du non. Au lieu d’être lisse, il se délite en vibration, peureux de liberté contrite. Tremblement de liberté en fraction missile, et les jambes, et la concentration.

    Je veux tout embrasser. Je ne vous laisse rien, bande de … Bande de…
    Je ville en ville, jusqu’à la lie.
    La saleté se mêle
    à mon cœur. quelques ok

    * * *

    (Brieuc Le Meur) – analyse graphique et épistolaire (à propos et pour des ananonymes habillés en noir, immobiles et bouches bées) du concert d’ « Empty set » (James Ginzburg, Paul Purgas, duo post techno et noise de Bristol) aux accents de PanSonic. Berlin, fev 2013.

  5. auddie dit :

    à propos des 54 vidéo sur le site de Téléram « y a t-il trop d’artistes »

    http://www.telerama.fr/monde/y-a-t-il-trop-d-artistes-3-5,36233.php?xtatc=INT-41

    …. ça casse quand-même pas trois pattes à un canard. La question de société: « comment être en résistance? qu’est-ce que l’on veut être, ou devenir? » est complètement occultée par ces notables de l’institution qui paradoxalement, la critiquent en interne (à part le philosophe (en 1) qui ne dit à peu près rien, et la fille (en 2) qui est sympathique, et parle de choses concrètes, sans pour autant dépasser sa propre expérience.

    La démocratisation des outils de création, et celle des outils de diffusion, l’organisation du travail qui laisse sciemment des gens sans emploi, Kafka derrière ton dos au boulot, la dématérialisation des oeuvres, et le fait que plus personne, au fond, n’achète d’art, puisqu’il est partout, sans impact et et sans force, fait qu’effectivement, il y a trop d’art et de « créateurs » qui partent du loisir pour aller au business, plutôt que de l’urgence et de la révélation, pour aller à l’éclaircissement, à l’élévation, qu’une oeuvre doit procurer (je ne parle pas de religion). ça donne aussi « 2 many DJ’s », dans une société où les jobs et les fonctions sont équivalentes, tous merdiques ou presque, sans plus de projection possible, autre que celle d’une prise de pouvoir par la parole. Mais si on a rien à dire … et qu’on le fait en restant chez soi, sans se mettre en danger, ou à la marge.. alors… ça donne ça…

  6. auddie dit :

    les politiques, le marché, le public, vont contre l’art

    chacun pourtant se permet de l’utiliser pour enrichir à un moment ou un autre son « mouvement » et utiliser la « marge » que cela confère à son « image »

    lorsque le bord de l’écran est plus important

  7. Brieuc Le Meur - "la vénus à la fourrure" (Polanski) dit :

    « la vénus à la fourrure » de Polanski

    La vénus à la fourrure » de Polanski (inspiré du roman érotique de Sacher-Masoch).

    A part une introduction hésitante (et notoirement mal jouée), tout se met en place dans ce huis clos, entre une Emmanuelle Seigner espiègle et entière, et un Mathieu Amalric magistral.
    Avec ce roman, cette pièce, ce film, rien n’est sexiste, ni exagéré. C’est ficelé de façon minimale et compacte. Avec un film dans un théâtre, les fautes de goût sont quasi nulles. Seuls les des deux acteurs sont éclairés. L’inversion des rôles explore le tragi-comique avec l’intensité du danger revisité, avec aussi, l’accalmie de l’âge mûr et de ses tendresses, avec shumour. Cela donne à l’ensemble un côté bon enfant, un peu Almodovar, parfois fantastique, en tout cas magique.

    C’est dire s’il l’aime. Il fallait lui écrire un rôle à sa mesure, fidèle à la personnalité mutine et un peu foutraque. Emmanuelle peut jouer avec les étoiles et accoucher de diables dans les reflets intenses et noirs des yeux de Mathieu. Il la regarde dans ce bout de lune, oriente la poursuite, lutte contre un lui-même lors d’une scène moitié-nue. Il ne faut pas « déconner avec une déesse ». On le savait déjà ; à moins qu' »IL » ne soit une femme, et l’esclave, un maître… Oui! militons pour une taille standard et des escarpins satinés !

    Un film qui a la patine d’une époque révolue.

  8. Brieuc Le Meur - "Le désespéré" du Léon Bloy dit :

    Léon Bloy, écrivain français, publie ce premier roman en 1887. Il avait quarante et un an,

    Cet auteur se revèla aux yeux de bon nombre de nos contemporains, détenteur d’une des langues les plus fantastiques jamais lue auparavant.

    Mais il laisse derrière lui un goût amer, teinté de haine, de bigoterie catholique, d’hyper activité assez pathologique, et surtout, l’impression d’une honteuse stupidité humaine cachée derrière un génie notoire. Ce qui me fait dire, et je l’ai déjà énoncé ailleurs, qu’il est préférable ne pas lire tant de génie, qu’il vaut mieux ne pas voir tant d’images, d’entendre cette musique et ces mots rares, ces rythmes parfaits, pour éviter ainsi de se cogner à ces guerres, à ce sang, à ce mépris qui mène droit à la discorde, à tout déni d’équilibre et de sérénité.

    c’est la colère qui me reste. Et je me dois toutefois de découvrir ses autres textes.

  9. Manuel dit :

    La Vénus à la fourrure… c’était mon mot de passe sur internet avant le collapse. Et Polansky le premier metteur en scène et le premier juif dont m’a parlé mon père à mes trois ou quatre ans, quelque chose que je rencontrerai dans la vie. Le véritable testament de mon père à mon avis a été cette transmission précoce. Le masochisme donc, aussi. J’ai aimé le film, surtout sa dérision, son acidité qui donne un corollaire à ce qu’on avait appelé, pour la génération de mon père, son « humour juif ».

    C’est pas par hasard qu’il aurait choisi de mettre en scène le roman comme un casting de théâtre ? Le choix des beautés, le jugement de Paris, la pomme est donnée à Vénus, mais pour Roman Polansky, Vénus est aussi épousse, tout comme pour Léopold Sacher Masoch la deuxième Wanda le sera. J’ai enfin trouvé aux puces la Confession de ma vie de Wanda, que j’adore. A mon avis, tout comme le « désir de théâtre » du Marquis de Sade dont fait état Roland Barthes, le désir de théâtre ou de cinéma, le projet, est caractéristique avec le contrat, invisible mais audible dans le film, de la sexualité déviante. Et toute la sexualité, depuis qu’elle est vraiment sexuelle est déviante par rapport à la Loi. Le contrat est un compromis entre l’ambition théâtrale et la censure, un compromis entre justice et injustice, entre des choses qui existent quoi qu’on fasse les unes contre les autres. Le film est simple. Le film est c’est qu’en pharmacopée on appelle « un simple ». Un concentré, une quintessence. Restent à dresser les films de la femme fatale, de la mégalomanie érotomane, de tant de choses qui nous tiennent et nous détruisent chemin faisant.

  10. Inside Llewin Lewis (blm) dit :

    A vu avant hier: “Inside Llewin Lewis”, des frères Coen.

    La photo est saisissante (le chef op’ est français). Des brumes et des contre jours magnifiques. Un joli humour new-yorkais tout en retenue et pince sans rire.

    L’idée est originale: donner la part belle à un musicien folk qui ne marche pas comme Bob Dylan. Il traîne sa guitare dans des petits clubs et fait des piges dans des labels commerciaux.
    Le décor est planté.
    Fin des années 50 à NYC, On l’accompagne dans ses concerts pourris, dans sa vie de squatteur des canapés des autres.
    Plus fin et dévoué que la moyenne, il a aussi plus de goût, et c’est ce qui le perd : il fait moins de compromis.

    Il est devancé par un groupe idiot doté d’une chanteuse à la peau diaphane. “que tout le monde a envie de baiser, c’est pour ça que ça marche”. Morale et clap de fin; ça c’est actuel. Il n’empêche, le monde est ainsi fait – eh oui c’est la vie de tout le monde- : des pas gagnants, et des gens sans orientations ultimes ni transcendantes.

    C’était il y a soixante ans, et le paradigme est toujours le même en 2014. ça fait froid dans le dos.

    C’est un film presque sans parole, avec quelques dialogues acides désabusés. On dirait un roman Mc Carthy. On pense à leur adaptation de « No country for old men ». Les poses, les pensées suggérés et la solitude en filigrane de cet anti-héros (que j’ai reconnu chez tellement de mes contemporains; chez moi-même), permet aux réalisateurs et scénaristes de ne pas jouer avec la morale universelle (contre le vagabondage), ce qui leur évite l’écueil d’une critique du système : On saisit que tout repose sur ses choix propres, sur ce qui motive son intégrité, et non sur l’entourage ou le destin.

    Un film de centre-droit donc… Ça la questionne, cette intégrité, et avec quoi elle peut se confondre avec ce qu’il y a de plus cruel, de moins noble.

    « Inside Llewin Lewis? » … : Dans Llewin Lewis se cache un principe de réalité.

  11. des intellectuels conservateurs bruns (blm) dit :

    Climat nauséabond.
    nationalisme.
    xénophobie affichée
    racisme

    articles à peine dissimulés
    qui traitent de données intellectuelles
    reflets d’un anachronisme nouveau

    style pamphlétaire du marché aux puces
    genre inutile
    qui dit des choses inutiles

    à l’aide d’une langue complexe
    d’une langue absconse,
    montée sur ses grands chevaux,
    une langue qui s’écoute parler
    bien plus absurde et inerte que les novlangues
    novlangues que ces critiques s’évertuent à contrer
    sans s’apercevoir du paradoxe,
    sans s’apercevoir de la laideur de la leur
    de leur langue à eux

    car c’est un mensonge fait à la modernité.
    Ce sont les paroles d’un aveugle
    et les visions d’un muet

    c’est la france qui se croit supérieure,
    qui n’a que sa poussière et ses idées cafardeuses à partager

    manières codées, planquées, névrotiques.
    règne en spirale d’une rengaine inspirée par des livres
    qui ne raccordent à rien.

    Leurs auteurs jugent de non faits
    leurs lecteurs voient au travers
    ceux-là jurent en transe

    Ce sont les vraies victimes du système
    ceux qu’on devrait aider

    vieux moqueurs ou jeunes démis
    vraies victimes de la mode.

    tout est bon pour réagir,
    et plutôt deux fois qu’une,
    et s’ils n’ont rien à dire
    ils le disent quand-même.

    aigreur du genre comique :
    le discours obsolète

    coutures et fleur de lys
    la farce à deux vitesses.

  12. Manuel dit :

    Permettez que j’abandonne pour un moment ma tenue de samouraï toréador, d’anarchiste maoïste andalou. J’aimerais entretenir la question du délire de prostitution à la manière délavée de Claude Maillard, oratrice, psychanalyste, poète, amie de Derrida, qui sait faire comprendre en profondeur avec la musique des oiseaux.

    Je comprends que s’attaquer physiquement à l’exploitation (en ce cas des femmes) doive se faire un peu comme dans le Bhaghavad Ghita, se détachant du mal qu’on fait à l’ennemi. Ebranler des hommes. A cela consiste toute révolution. Le délire s’arrête d’une claque. Et c’est fini de taper les femmes. C’est fini de donner des ordres. Et quand même il y a sexe dedans, il y a mystère plus que jamais auparavant.

    Un roman qui soit pas anodin n’est pas souhaitable. Ce que je fais n’est pas souhaitable. Quand je me mets à écrire je suis moi aussi en train de bombarder la ville martyre de Homs, ou je suis une bombe sur laquelle j’ai eu le cynisme d’écrire : “ça tombe bien”. A cause de mon éducation je me suis toujours enfoui devant les responsabilités, et en dernier ressort les plus profondes. Je me suis martelé un regard d’acier en me disant que la “laideur morale” n’était pas mon affaire, que je ne serais jamais touché et même j’ai fait en sorte d’exclure toute trace de sa présence de mon vocabulaire, ou de l’investir d’un masque de justesse, justice et je suis allé jusqu’à la consacrer en tant que sublimation.

    Chaque soir Marie fît goûter à Joseph, qui lui léchait la vulve, le sperme de Dieu coulant du creux de son vagin, les lèvres de lui serrés comme dans un pudique baiser. Cela lui fît répugnance d’après-coup, et il conçut la haine de ce sperme, mais la musique des sphères se fît entendre dans son esprit et l’apprît à persister sans violence.

    Evangile de Mélusine

  13. auddie dit :

    Les trous noirs, phénomènes cosmiques de compression d’une étoile en fin de vie et effondrée sur elle-même, provoquent une hyper gravité. Ils sont des endroits où l’espace devient du temps, et le temps de l’espace.
    Dévoreurs de toute matière et même de la lumière, on sait toutefois que l’énergie et les masses accumulées s’en échappent quand-même.

    L’art contemporain: (phénomène institutionnel de compression de l’art en fin de vie, effondré sur lui-même, provoquant une hyper gravité)… est un endroit où le discours devient du vide, et le vide… un discours.
    Mais en fait, ils ne l’est pas vraiment, contemporain, car l’énergie et les masses accumulées s’en échappent quand-même.

  14. auddie dit :

    Je m »envole aujourd’hui pour Moscou, puis file à St Petersbourg.

    Surtout pour faire de la luge hein. Mais aussi sur les traces d’une flopée d’écrivains et de cette âme russe pas si éloignée d’une élégance à la française, et qui ont toujours fait se comprendre ces deux peuples lorsqu’ils se rencontraient.

    (sur des bases artistiques et humaines)

    (J’espère simplement que je ne rencontrerai pas les Pussy Riots, pour ne pas être contraint de leur avouer à quel point leur action exemplaire a contribué à exacerber la légendaire et ô combien renouvelée clairvoyance politique de mes compatriotes, leur engagement militant sur des sujets difficiles et pas téléphonés du tout, révélant là leur intégrité et la grande variété de leur indignation quant à la peine universelle du monde en dehors des frontières de l’hexagone).

  15. Arthur-Louis Cingualte dit :

    TRUE DETECTIVE, L’ÂME EST LA-BAS (spoilers)

    « I saw the light
    that just buzzed
    I saw the light

    but, my brain just buzzed
    I cry because you never know
    I cry because you will never know
    just how black can an animal be?
    how black can an animal be?

    Dark like darkness
    dark like a devil out in the woods now »

    Jeffrey Lee Pierce – Devil in the wood

    Il s’est passé quelque chose d’important le dimanche neuf mars 2014 au soir sur HBO.

    Quelque chose qui s’est modelé hors du plasma de nos écrans et s’est adressé directement à notre âme. Au terme d’un éprouvant périple dans les ténèbres ressuscitant nos doutes sur la nature humaine et nos terreurs les plus primitives nous avons pu observer la naissance d’une nouvelle et resplendissante étoile. Son éclat reste aujourd’hui inscrit dans nos rétines. Il nous donne la ferme conviction que, comme le soulignait le poète du Grand Jeu, Roger Gilbert-Lecomte, « les lueurs de nos voyants suffisent à indiquer la seule voie qui pourrait sauver l’humanité de son abjection sans bornes. »

    Si l’effet produit par l’œuvre Pizzolatto est si saisissant c’est que nous manquions de l’unique condition à l’établissement de voyants : la légende.

    ***

    C’est comme l’outre-monde des âmes perdues que dans un très courte nouvelle Ambrose Bierce évoque le premier l’antique cité de Carcosa. Le narrateur y parvient dans un demi songe sans la reconnaître ; un temps, il est même persuadé en venir. Après quelques considérations solitaires entre des pierres tombales inégalement bousculées l’auteur trouve la sienne. Il découvre avec terreur qu’il est déjà mort. Pourtant, si tragique soi l’issue de son récit le lecteur n’accuse une véritable stupéfaction : il constate ce que l’auteur du Dictionnaire du Diable avait soigneusement exposé en introduction : « Il est différentes sortes de mort ; en certaines le corps demeure alors que, en certaines autres, il disparaît tout à fait en même temps que l’âme. Ceci n’advient communément que dans la solitude (telle est la volonté de Dieu), et, nul n’ayant assisté à la fin, nous disons que l’homme s’est perdu ou qu’il est parti pour un grand voyage, ce qui est l’exacte vérité ; mais parfois la chose s’est produite à la vue de plusieurs, et maint témoignage en fait la preuve. Il est une espèce de mort ou l’âme meurt, elle aussi, et l’on a vu ceci advenir alors que le corps restait vigoureux pendant de nombreuses années. Et parfois (nous en avons des attestations véridiques), l’âme meurt en même temps que le corps, mais, après un certain temps, elle est ressuscitée en ce lieu même où le corps tomba en poussière. » Bierce pose de nombreuses et complexes questions : à quel moment possède-t-on son âme ? La trouverons-nous jamais si on la cherche ? Faut-il la perdre pour pouvoir véritablement la posséder ? La connaissons-nous seulement quand nos la savons perdu ? Autant d’interrogations auquel semble répondre le destin des personnages de la série True Détective.

    Maggie, l’épouse de Martin, note très justement que « Rust savait exactement qui il était […] le seul problème de Marty était de ne pas se connaître lui même ». C’est là, pourrait-on dire, toute la différence qu’entretiennent ceux qui ont perdu leur âme de ceux qui ne l’ont jamais cherché. C’est aussi ce qui rend ces deux personnages – comme le saint Libéral et le saint François de la conversation sacrée du peintre vénitien Giorgione – l’un ésotérique, l’autre exotérique, si complémentaires.

    Ahuri par l’aspect illusoire de sa vie familiale, la fragilité de son équilibre, cette locked room que constitue le destin secret de toutes vies, Hart est dévoré par son cœur. La sécurité de l’enfant et la femme sont les colonnes qui soutiennent son édifice morale : il exécute Ledoux après avoir découvert les deux enfants qu’il maintenait prisonnier, il tabasse les deux jeunes majeurs qui se sont tapés sa fille, il apparaît sous son jour paternel quand la nymphette qu’il visite lui confie son dépucelage anale, il quitte le département de police après l’ignoble découverte d’un nourrisson explosé dans un micro-onde et enfin accepte de reprendre l’enquête qui le lie à son partenaire après avoir vu les images infectes d’une fillette – peut-être Marie Fontenot – livrée aux désordres d’une bacchanale folklorique. Plus Hart se rapproche du mal, de son essence, plus il purge ce qui fait défaut à son âme, plus il fragilise son amnésie. Il est comme un ange qui refuserait le ciel pour confondre le diable.

    Pour celui qui recherche son âme tout est différent. Il convient d’être sensible à l’ensemble des territoires du réel. Il convient de n’observer aucune frontière entre le bien et le mal. Cohle est comme le poète : son singe sur l’épaule est son Virgile, les femmes et les enfants disparus ses Béatrice. Comme l’enseigne Roger Gilbert-Lecomte dans Monsieur Morphée, empoisonneur public la défonce, l’intoxication permet de mêler ensemble la veille et le rêve. L’objectif de cette disposition particulière, de « cet état provoqué » loin d’être illusoire, est de parvenir à l’articulation du troisième œil. Celui qui restitue « la mort dans la vie ». Avec une rhétorique que n’aurait pas reniée Cohle, Gilbert-Lecomte, en conclusion de son essai, insiste sur les vertus de l’intoxication : « Et les mutilations volontaires, les empoisonnements terribles des alcools qui roule l’être pantelant aux rivages de la mort, les coups de tête dans les murs, toutes les souffrances à soi-même infligées sont les seuls critériums qui m’assurent des hommes assez physiquement désespérés, assez mort à leur propre individu pour montrer sur leur visage les sarcasme impassible du désintérêt devant la vie, gage unique de tous les actes surhumains. » Quand Rust, au sujet de son objectivité, rassure Marty en lui disant qu’il est « ivre mais fonctionnel », nous pouvons entendre « fonctionnel puisque ivre ». Bien sûr, étant en mesure de voir la mort dans la vie comme le mal dans le bien, Cohle évanouit tout sens morale. Il atteint cet état que la philosophe Simone Weil estime comme un « instant d’arrêt, de contemplation, d’intuition pure, de vide mental, d’acceptation du vide moral. C’est par ces instants qu’il (l’homme) est capable de surnaturel. » Il est le héros qui peut écarter le voile hallucinatoire de la réalité matérielle et qui, comme lui, est responsable du bon usage de son pouvoir surhumain.

    Tant qu’elles ne sont pas menées à terme, il est le seul capable de convenir de l’aspect vertueux de ses actions.

    Au bout du labyrinthe de Carcosa, Cohle guidé, par la voix du vrai monstre-de-la-fin-du-rêve entrevoit ce que Borges nomme « l’imminence d’une révélation qui ne se produit pas » sous la forme d’un maelström cosmique qui préfigure cette substance absorbante dans les ténèbres de laquelle il va, au terme de son coma, retrouver son âme. Rien d’hallucinatoire ici, Rust Cohle est juste parvenu à l’ultime étape de son initiation. Le labyrinthe n’est, comme dans toutes les traditions, qu’un objet allégorique. Le détective se dépouille de sa divinité imaginaire, il devient la partie qui imite le tout, il jongle avec des volcans. Il peut dès alors affirmer ce que nous chuchote les mystiques du groupe Sun City Girls : « when I was dead I looked excatly like you. Now I’m alive where nothing is true. » « Retire ton masque » crache furieusement Errol Childress à Cohle l’invitant à mourir avec lui, sa lame lui fouillant le ventre. Mais ce que ne sait pas le monstre-de-la-fin-du-rêve, grisé par ses délires de puissance, c’est que le détective ne porte plus de masque. Il sait maintenant comment recouvrer son âme. Le territoire a changé et il se l’est attribué. A l’intention de celui qui à échoué à le perdre dans une spirale qui jamais ne se boucle, il peut alors emprunter les mots que prononcent le Roi d’Arabie à l’orgueilleux Roi de Babylone dans une nouvelle de Borges : « Ô Roi du temps, Substance et Chiffre du Siècle ! En Babylonie, tu as voulu me perdre dans un labyrinthe de bronze aux innombrables escaliers, murs et portes. Maintenant, le Tout-Puissant a voulu que je montre le mien, où il n’y a ni escaliers à gravir, ni portes à forcer, ni murs qui empêchent de passer. » Que la gloire soit à celui qui dans le mal, ne meurt pas.

    ***

    « La création, nous indique Simone Weil, c’est le bien mis en morceaux et éparpillé à travers le mal. » Rust a raison de reprendre Hart, qui constate, fataliste, l’immensité obscure : la lumière ne se mesure pas à son rayonnement mais à son éclat.

    L’étoiles qu’invoque True Detective brille intensément. Elle est suspendue dans le soir afin que, comme les héros de la mythologie grecque, nous puissions garder la mémoire de quelques victoires sur les ténèbres.

    Notre âme arraché au mal, là-bas, il nous incombe à nous, maintenant, de multiplier les astres pour achever le dessin d’une toute nouvelle constellation.

  16. auddie dit :

    Tous ces gens qui aiment Artaud, Bukowski, Burroughs, la beat generation, Kurt Cobain, Frankie Knukles, mais qui s’éloignent, gênés, outrés, et méprisants devant de vrais schizophrènes aux travaux chaotiques et difficiles à défendre, aux esthétiques dures, qui ignorent les alcooliques d’aujourd’hui, ou les drogués des clubs, les dealers de shit aux expériences épaisses comme une banlieue de Los Angeles en plein soleil depuis des semaines, qui balayent d’un revers de la main les questions de ceux qui n’y arrivent pas, qui ne survivent pas, ou font semblant, car pas assez bien arrimés au réel, pas assez bien entraînés, ils les méprisent et les oublient dès le premier succès, dès le premier confort,

    mais ils aiment Artaud, Bukowski, Burroughs, la beat generation, Kurt Cobain, Frankie Knukles

  17. auddie dit :

    En train de lire « Full dark, No stars » de Stephen King; un recueil de nouvelles. Je suis séduit par la transe de la lecture, sa mécanique rapide, par la simplicité et l’efficacité de cette façon de faire à l’américaine qui accumule les infos nettes et découpe le flux en tranches en allant à l’essentiel, laissant le lecteur recomposer le folklore en lui. C’est un temps qui va vite. Et c’est un panorama au premier degré.

    Mais je suis aussi déçu par le passé simple suranné et le manque de consistance des personnages. Ils se déplacent beaucoup, prennent beaucoup de décisions, mais semblent habités d’une activité radar. On dirait des marionnettes, de simples éléments. D’ailleurs la trame poreuse laisse passer des détails étranges sensés enrichir le tableau mais qui à mon sens l’abaisse à la bande dessinée, à la ritournelle.

    Un exemple. Lors d’une scène de meurtre, un mari tue sa femme avec l’aide de son fils, et dans la panique, ça ne se passe pas comme prévu :

    « J’ai pris Henry par le bras et l’ai remorqué jusqu’à la maison en trébuchant. Je l’ai poussé sur le canapé d’Arlette acheté par correspondance et lui ai ordonné d’y rester jusqu’à ce que je revienne le chercher ».

    .. »acheté par correspondance » … voilà… Donc soit ça va vite et ça intensifie le drame et la violence, soit ça reste dans la gaudriole et la critique sociale, la posture de perdant triste, ou l’humour… Mais mettre de l’Ikea soudain au milieu d’un mouvement… à part donner moins d’épaisseur au mouvement lui-même, aux images mentales … je ne vois pas à quoi ça sert.

    Bon; ceux qui trouvent ce « acheté par correspondance » génial et truculent et tellement second degré et SAS et SF et je sais pas quoi de série B, allons-y gaiement. Moi j’aime les séries A.

  18. auddie dit :

    a vu le dernier Cronenberg « Maps to the stars ». Étrangement, le titre qui ne me revenait après la projection, a été redécouvert sur le web, et me donne une indication supplémentaire, surtout à cause du « to » et non d’un « of », c’est à dire, « un plan tracé vers les acteurs d’Hollywood », et non » la carte des étoiles, des célébrités ». D’un point de vue marin ce serait même une carte des fonds et des écueils qui se dessine là, avec une saisine assumée des forces élémentaires, des références, comme si la vie et l’inspiration étaient enfouies dessous, là, dans le cinéma, pour le cinéma, dans Lynch, dans Bret Easton, dans Hitchcock, autour de la frontière entre « gens normaux » et « dérangés », sans que l’on ne sache d’ailleurs qui dérange vraiment l’autre.

  19. BLM (art contemporain) dit :

    réaction à :
    http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20141007.OBS1324/inondations-dans-l-herault-j-ai-cru-perdre-la-vie.html

    le fait qu’une voiture puisse avoir été poussée contre un arbre (sur un arbre presque) par une tempête, telle qu’elle le furent en Asie lors de certains Tsunami, ne nous dispense pas de considérer que l’art symbolique, contemporain (dit conceptuel, ou « installation ») n’a pas remplacé la beauté de la vie et de ses accidents, qu’il n’a pas non plus rempli l’espace laissé vide du regard de l’homme sur son époque : un regard compétiteur et égocentrique.

    Cette photo n’est pas de l’art, c’est une curiosité, puisque trimballer une caisse dans une galerie et la mettre debout n’a rien de spécifiquement expressif.
    Le photographe s’est sûrement demandé la même chose, comme ses collègues ou son directeur de publication, et moi-même :

    « que veut dire cet art qui nous sort si durement de la vie ? « 

  20. installateur en climatisation dit :

    l’art est de plus en plus…
    … ces sortes d’écueils personnels entraînés par des ombres
    pulsions collectives affaissées sur elles-mêmes
    de cœurs en persuasions,
    pathétiques quand toute la chaîne se trompe, se convainc d’une grandeur
    transmet l’esprit de sacrifice
    relais fidèle
    parfois criminel,
    pauvres naïfs
    au nom de

    de qui ? de quoi ?
    qui est le père au dessus de nous ?
    Quelle belle idée, Quelle utilité, pourquoi passer tant de temps à l’illusion
    Une fonction, un besoin? Une chose qui plane qui justifierai un effort, un sacrifice oui.
    de l’abnégation?
    est-ce pour s’élever soi?
    Comme de rentrer dans les ordres
    cela y ressemble pour de bon

  21. Ecoute, vous en êtes là ? Comment passe le temps. C’est beau, mais ça dégouline, on fait quoi alors ? Je vous adore tous. Vous savez que je suis border line et si j’essaie de faire long je dis n’importe quoi. Bisous

  22. auddie dit :

    http://www.slate.fr/story/108613/meilleur-dj-du-monde

    Défendre l’EDM, artistiquement et socialement.

    (et être bien clair avec l’histoire techno)

    Un sujet qui me tiendra toujours à coeur, destiné aux spécialistes (désolé pour les autres) : dézinguer les codes imposés, et défendre ce qui, plus tard, sera sûrement considéré comme avant-gardiste et esthétiquement viable, et puis, surtout, remettre en question la grande intégrité d’une scène techno soit disant puriste, en poussée d’acné et de « possession ».

    Je me retrouve pas très à l’aise avec l’ambiance de mépris général qui subsiste, et avec l’analyse.

    D’abord, il y a beaucoup plus de connexions entre ces deux scènes. Leur soit disant séparation a surtout à voir avec les niveaux de culture des gens, et leur possibilité d’accès aux clubs, et au « savoir » brandi comme un trésor bien gardé, comme un attribut social violent. Si ce savoir n’était pas un levier de domination, y aurait un plus large développement de la musique de transe, régulière, et plus fine esthétiquement, proposant un plus large panel d’émotions, du plus sombre au plus coloré, et surtout, plus d’abstraction.

    (mais c’est justement ce qu’on ne veut pas : un succès trop important. Il y a donc un premier paradoxe à critiquer le succès des ces festivals EDM ).

    Ensuite… Pas mal d’artistes techno, hardcore, break, ont une façon d’aborder la musique et ont des ambitions qui ne sont pas éloignés du festival « Tomorowland », sauf qu’ils n’y ont pas accès.

    D’un autre côté, pas mal de DJ soit disant « undergound » techno, sont en fait des artistes qui jouent avec une certaine ambiguïté et leur charisme plus que leur seul talent, et qui, eux aussi, ont leur part de code et de fumisterie.
    Moi ça m’a toujours fait rire d’entendre les gardiens du temple, outrés et si sûrs d’eux, qui eux aussi sont des beaufs à leur façon (voire l’article du monde et les réactions des garants du bon goût de la scène techno « concrète berghain trésor rex » (clubs célèbres de puristes), outrés contre Jean Michel Jarre (dont les boulots des années 80 sonnent mieux et plus barrés que bien des prods actuelles), comme si finalement, une étroitesse d’esprit identique les empêchaient d’embrasser une conscience collective supérieure.

    http://www.slate.fr/story/108613/meilleur-dj-du-monde

  23. english & french dit :

    Gros ménage dans les photos. effacement des perles, conservation des esthétiques universelles, des carte postales.
    Personnellement j’aime les photos sans séduction évidente, qui signifient un désaccord, une pensée qui va se nicher derrière les choses, et non devant. La laideur alors, a toute sa place, puisqu’elle n’est que la personnification de ce qui, d’habitude, vous empêche d’aller plus loin. Le cliché morne étend votre propre liberté vers la vérité, vers l’harmonie en toute chose et à toutes les échelles.
    Pourtant je respecte les goûts des gens, et surtout, le plaisir qu’une forme douce et claire procure, qui fait écran.
    Idem pour la musique ou la poésie.

    Big cleaning in the picture collection. I keep the kitsch, I delete the singularity. Personnally, I like pictures without too obvious seduction inside, pictures who tell disagreement, and an hidden thought behind the first aspect, rather than in the front. Uglyness has its role to play, for it represents and symbolizes what -normally- empeachs you to go further. The sad photo, without kitschy, heroic or nice content, spread out your own liberty, direction: truth, to reveal harmony in all materials and scales.
    but I respect people’s taste, and the joy a clear form gives, who creates bondaries, and does the « screen », a fence, between you and …

  24. brieuc dit :

    D’un reportage sur le quotidien d’adolescents à Kaboul en 2015, se forme un trait d’union avec les rues de Paris, comme un chaînon manquant.
    des images saisissantes

    après réflexion, j’estime que nous nous faisons autant d’idées fausses sur la vie là-bas qu’ils s’en font sur la nôtre.
    C’est à dire que le « média » ne fait pas le pont.

    La presse est un paysage imaginaire comme les autres.

  25. auddie dit :

    Scènes techno et nation.

    Le silence des artistes de la scène techno à propos de sujets graves, démontre une certaine complaisance sinon un véritable appui au défouloir de haine sur le réseau, à la beaufitude décomplexée. L’enjeu est évidemment de ne pas déplaire à quiconque, pour ne pas perdre leurs « fans »… Ou comment être sympa avec ces « patriotes » au profil facebook empli de propagande crypto FN, mi tuning voiture et moto de course, mi guerrier cyber, souvent teufeur, clubber propre sur lui…

    Cette techno-là, qu’elle soit alternative ou rangée (ce qui somme toute est la même chose devant la lâcheté) … commence vraiment à me dégoûter.

  26. campagne dit :

    Les écrivains la jouent toujours solo. Ils sont incapables de se projeter de façon réaliste dans le collectif.
    Les musiciens savent le faire mais ils ne s’intéressent qu’à leur genre de musique.
    Je porte beaucoup d’espoir à l’intention des gens d’image, ciné, photo et transdisciplines.

    L’artiste est encore à inventer

  27. Brieuc Le Meur - "Substance" de Lorette Nobécourt. dit :

    Ecrit juste après son premier et fulgurant roman « La démangeaison », je me demande d’où vient la force d’écrire si jeune un texte aussi complet, proche d’une vérité physique, quantique, aux paraboles toujours renouvelées, avec une prise concrète sur les faux semblants de l’existence. L’espoir y est palpable, la sagesse, la logique y sont lumineuse. C’est comme une lutte, comme une poésie ultime, la dernière, comme une source de chaleur. Ce texte est pour moi désormais une mini bible qui prolonge des recherches difficiles, et par la même occasion, adoucit la solitude de tout homme ou femme aux prises avec les cycles devenus sans valeur, la fin toute proche, avec la naïveté insaisissable qu’il faut aborder, arrivé au bout de la conscience (ce bug infernal), et repenser une nouvelle foi le détachement, la liberté, et puis, renfoncer, y aller, se mettre encore la tête dans la roue crantée des temps modernes, comme si nous étions nus dans la forêt originelle. Vraiment, je ne sais pas comment on écrit une chose pareille, avec un tel rythme, une telle densité mystique, matérielle, une substance partagée.

  28. poésie sonore française dit :

    est de plus en plus consterné (sinon terrassé) par l’innocuité de la poésie sonore française et son niveau artistique absolument bidon. Ces tons de voix agaçants, ces performances dignes du pire de l’art moderne des années 70. Ce non-théâtre, ce manque de travail sur le corps, sur la voix, ces écritures tordues, clichées, kéké. Cette langue française qui redevient poussière, à l’image de sa politique vue de l’étranger. A dire vrai, il s’agit de n’en rien dire tellement le gouffre sidéral dans lequel ces artistes et auteurs se projettent les rend pour ainsi dire transparents.
    C’est ringard. C’est gênant. Ça en devient presque violent.
    Impossible d’écouter ces trucs plus de quatre secondes sans qu’une crise d’angoisse subite vous prenne à la gorge.
    Savent-ils seulement ce qu’il se passe ailleurs ?

  29. Brieuc Le Meur - "Les salauds" Claire Denis. dit :

    Rarement vu un film aussi dur. Du point de vue de Claire Denis, ça se résume à : « Alors il n’y pas d’espoir, ni pour les femmes, ni pour les hommes, et il n’y a pas de militantisme possible » J’en ai fait des cauchemars.

    Dans sa résolution même des conditions et problèmes les plus pénibles d’un lieu, Paris, et d’une époque, la nôtre, avec une ironie guerrière et un sens de la reproduction du noir sur noir, on peut dire qu’elle actualise le genre. Je dirais qu’elle même qu’elle l’atomise, et de ce fait, on aurait tendance à passer complètement à côté.

    On a la nostalgie du film noir teinté d’humour et de tendresse, de la bonne tradition française à la Audiard, des films à papa en noir et blanc, motos et mitraillettes, presque dessins animés, répliques de bandits pouponnés, poses et dialogues de théâtre de boulevard improvisés depuis le troquet d’en face. .

    Ici ça ne cause pas; ça subit. ça plonge. ça meurt. Et il n’y a rien d’autre que ce constat effroyable, déstabilisant, qui va bien au delà de la tristesse, et c’est bien la seule chose qui puisse nous redonner espoir : que la roue tourne à fond les démons. Qu’il ne reste rien.

    ultra recommandé

    http://www.arte.tv/guide/fr/049483-000-A/les-salauds

  30. blm - rogue one, a star wrs story dit :

    Il ne me reste rien de « rogue one » (a starwars story) à part la conviction que des empires contre attaquent: celui de Lucas contre Disney, celui des USA contre… les USA, et le troisième… ah je l’ai déjà dit.
    L’hyper finesse de l’image, son grain feutré, sa saturation épaisse, les décors d’antan, un script au plus près du second volet font de la direction artistique un écrin, une vengeance, mais rien ne porte au delà. De toute façon, Christopher Nolan a depuis quelques films déjà largement tout vitrifié, et rangé les vieilles dualités au placard.

  31. Brieuc Le Meur dit :

    La critique est cruelle et implacable.

    Moi qui réalise et fini de monter un premier film en ce moment, je m’aperçois du gouffre qu’il y a entre l’intention et le résultat, car les paramètres à gérer sont innombrables. C’est extrêmement difficile ; la multiplication des médiums vous met à nu : script, direction, son, lumière, organisation. Une oeuvre peut avancer toute seule, vous échapper complètement, tout en restant juste, tandis qu’un film réussi qu’est-ce que c’est ? Parfois des recettes sans risques, ou un état de grâce qui lui aussi vous échappe. Je ne parle pas des grandes équipes ni des grands studio, mais des films d’auteurs. Ah quand on me descendra, je l’aurais ultra mauvaise et je dirais : mais, et vous, vous faites quoi ?

    https://blm-shootings.tumblr.com/

  32. Jean-Pascal Mattei dit :

    Between thought and expression dirait Lou Reed ou principe de plaisir versus principe de réalité selon Sigmund ; un film s’avère en effet un organisme singulier, collectif, mû par son propre mouvement (ou immobilisé à cause de son anémie, aussi) ; la grâce, terme religieux pris dans un sens laïc, esthétique, demeure par définition imprévisible, voire indue (cf. le jansénisme électif de Pascal), malaxée d’arbitraire (ou de l’autoritaire d’un plateau, puisque le cinéma ne peut s’exempter d’une dimension fascisante) ; les films d’auteurs ? Un pléonasme auteuriste, une niche élitiste, un argument commercial bancal : le cinéma en tant qu’art de foire, magie populaire, plaisir partagé ; hâte de découvrir votre essai (double acception) et guère de temps devant moi pour « descendre » le quidam à la caméra, même si je n’éprouve aucune obligation de respect, de retenue, envers des œuvres qui me font perdre une partie de ma vie, que les signe Dumont ou non ; dans un article, j’écrivais que Besson, malgré ses abominations, se situait toujours, de facto, au-dessus des critiques, acteur et non commentateur ; faire quoi, à part du cinéma ? Disons écrire sur et avec lui, dans une forme qui existe per se, quitte à l’aimer encore jusqu’à le détester souvent, ou l’inverse…

    http://lemiroirdesfantomes.blogspot.de/search?view=magazine

  33. Brieuc Le Meur dit :

    Certes. J’ai de bons amis critiques, et ai moi même un peu écrit dans ce sens. Il y a tellement de savoirs et de méthodes qui se délient, qui s’oublient. La critique, qui n’est pas un art de foire, mais une tour d’ivoire, doit être défendue, je trouve ça primordial. En revanche c’est lorsqu’une œuvre ou une opinion est associée à telle ou telle partie de la population, pour dénigrer soit l’une soit l’autre, que toutes les œuvres, je dis bien toutes! : ) sont alors entrainées dans cette rivière de cailloux. Alors le siège doit être maintenu contre les humeurs personnelles. La création ne doit pas régler de compte avec qui que ce soit, ça empêche sa respiration, son ampleur comme sa clarté ; ça la mine. Dans l’écriture d’un roman par exemple, on se sent parfois œuvrer contre des ennemis imaginaires, et c’est rageant de s’apercevoir qu’on ait voulu séduire des amis tout aussi éthérés, et qu’aucun ne percevra jamais le propos en question comme une défi ou comme un soutien. Le liront-ils jamais ? Il y a sûrement un dialogue entre la critique et la création, mais alors il n’y a plus de noms de famille. Du côté de l’auteur comme de l’analyste, l’un et l’autre donnent beaucoup, se mettent à nu ; ça devrait être leur visa pour l’anonymat ce travail, pour la cause collective. Mais souvent les figures restent, au lieu de la pensée. Seule l’œuvre devrait être mise en avant ; même si je sais bien que c’est impossible…

  34. Jean-Pascal Mattei dit :

    Brieuc Le Meur En parfaite franchise, la critique ne m’intéresse pas, et moins encore les miennes (je ne parle même pas d’autocritique). J’espère écrire des textes plutôt que des articles, en écrivant à partir et au-delà du cinéma, pas sur son dos, en tout cas, le parasitisme ne me mine pas, pour reprendre votre aimable terme. Diviser les cinéphiles (quelle curieuse espèce, sentimentale et impitoyable) ou établir des catégories sociales (préexistantes, n’en déplaise à ceux qui les incarnent), guère ma tasse de thé (verbalisée, formulée) non plus, quand bien même je vomis l’humanisme moderne et sa bien-pensance de connivence. En matière de films et d’œuvres d’art, l’égalitarisme peut aller aussi se coucher. Dans la plus grande subjectivité se loge une part d’objectivité, de partage (morale baudelairienne) et fi de la supposée impartialité (Dieu vomit les tièdes, dit Guédiguian, moi idem). Il ne faut jamais écrire pour quelqu’un, même si l’on peut adresser sa prose à certain(e)s (je le fis). L’artefact, même le pire, excède toujours son discours (rapporté), son analyse d’après, mais penser le cinéma revient à cela, le dépasse, s’amuse avec sérieux et joue le jeu (des mots amochés contre la mocheté du monde et du ciné). Ce que l’on filme ou écrit nous reflète in fine à la façon d’un miroir brisé, d’une lumière diffractée, allez. Continuez à jouer les Orphée, ne craignez pas de rendre publique votre Eurydice : je n’appellerai pas la police et, qui sait, je commettrai même un éloge (sévère dans sa justesse singulière) à son sujet…

    http://lemiroirdesfantomes.blogspot.de/search?view=magazine

  35. complot arte, par Blm dit :

    http://info.arte.tv/fr/la-religiosite-les-memes-principes-structurels-que-la-theorie-du-complot

    Réaction à propos de l’article publié sur le site de la chaîne européenne Arte, le 7 sept 2017 (lien plus haut):

    Il nous semble avoir lu des approximations, calculées avec des barèmes scolaires, sinon anciens.
    S’il s’agit de mesurer les conflits intérieurs d’aujourd’hui, ils sont clairement liés à la représentation de soi dans une information chaotique. Le médium « média » et surtout « internet » produisent leurs lots de distorsions liés à la langue comme à des procédés chimiques, à des tests intérieurs, à des refuges idéologiques.

    Ici, sur arte ! , on lit qu’une une sorte « d’autre complot » basé sur une religiosité et sur une ambivalence du bien être, permet à ceux et celles qui y croient de reprendre le contrôle sur soi, et, ô comble! infirmer la croyance classique et scolaire que l’état paranoïaque a une légitimité.

    C’est vraiment loin du compte.

    C’est le média qui trompe, et dans le même mouvement, le sujet qui se trompe, et les corriger ne commence pas avec un article consensuel, qui ne vexerait ni l’illuminé, ni le geek. Comme si nous étions dans une séance de coaching ou de développement personnel, et qu’il fallait prendre des pincettes…

    La psychose est une mise en forme, un automatisme appris, un mimétisme qui vient cacher quelque chose d’autre, UNE HISTOIRE PERSONNELLE.
    C’est une fracture et le corps social saigne lorsqu’on les met bout à bout. Pourquoi ne pas dire que la paranoïa, c’est une énergie perdue. On ne retionnalise pas de tels discours. On parle d’autre chose, on fait de l’humour.

    Croire à des complots mondiaux, à part une vague passion pour le conte, c’est bien tout le contraire d’une auto analyse. C’est un enfouissement.

    La théorie du complot, c’est l’occasion manquée du mensonge. Autour de ses adeptes, la réalité flotte et ce n’est pas rassurant. Comment rester sérieux ou apaisé lorsqu’un collègue, un ami, vous révèle subitement sa croyance ? Tout s’effondre. Je le sais, ça m’est arrivé récemment. Car la vérité ou les vérités, les autres choses partagées au quotidien, à d’autres niveaux, sont remises en question. Et ça c’est plutôt grave !

  36. BLM _ film : les heures souterraines dit :

    les heures souterraines, de Philippe Harel ✅

    Le film dépeint un Paris à l’agonie. Si ce constat et sa finalité sont justes, le développement se limite à une circonscription de l’horreur, mais, sans catharsis ni explosion formelle. (Définition de « catharsis » : purification, résolution d’un problème par une représentation artistique ou dramatique).

    Je ne me souviens d’aucun bon film de Philippe Harel. Il est un réalisateur familial, façon longueurs et langueurs appliquées. Cette consensualité est renforcée par des formes mélodramatiques qui ont fait leurs preuves, des formes scolaires que les télés adorent. Celles-ci font enrager tout créateur risquant sa vie pour une invention. (Mais pourquoi fait-il ça? Mais parce qu’il en a envie)

    Ce film est juste quand il fait de Paris un spectre … et sur ce point nous nous accordons.

    Cette ville est ramassée sur elle-même. Elle est un condensé du mauvais esprit français et de ses tropismes séculaires. Elle continue de compartimenter les gens en strates hiérarchiques par lesquelles tout le monde se déteste, les pauvres comme les riches, les élégants comme les vulgaires; et aucun ne rattrape l’autre dans cette course folle au pouvoir. Il y règne un chaos notoire et s’y exprime une litanie de peurs morbides matérialisées par les « émissions de télé », seuls faits véritablement commentés de la collectivité.

    On sait d’ailleurs depuis deux siècles qu’il émerge de cet écueil des figures ambivalentes : les soldats de napoléon, personnages que l’on voit un peu partout, oui ils existent encore ces râleurs, ces violents, qui adorent le conflit et l’intrigue, le sacrifice au maître, et dont le porte parole de l’Elysée, « casta » en est la quintessence sportive, l’épure nerveuse formée aux grandes écoles, ce qui fait de lui une sorte tout-en-un antipathique. Dans le film c’est le patron qui fait du mauvais esprit, mais aussi cet homme qui ne veut pas être soigné, amorphe, et qui menace sa femme, ou ce gardien de parking, qui s’octroie son petit morceau de pouvoir, tenu comme un roquet avec les dents

    Et  » Les heures souterraines » n’échappent pas à la règle: du Harel émotionnel qui laisse le public s’approprier lui-même ses découvertes. L’artiste n’ira pas frontalement changer les formes; ce qui ne veut pas dire qu’il ne laissera pas transpirer tout ce qui lui échappe, tout ce qui s’échappe de lui-même et se distille de façon profonde et ambiguë : le conservatisme.

    Et puis voilà, il y a Paris. L’actrice principale n’est pas Marie-Sophie Ferdane, super en victime du refus à la figure weinsteinnienne (suivez l’actualité américaine) … mais la capitale.

    Paris, cette province malade. Paris et son manque d’intelligence, avec son architecture chiante, cette laideur, sa dépression. Paris et surtout, ses parisiennes, ses parisiens, rincés, foutus, séchés, attaqués par la pression esthétique, par le cours de l’histoire qui n’avance plus, qui n’avancera plus car ceux qui l’ont construite l’ont décidée ainsi. Et ceux qui ne l’ont pas détruite ont fait de même.

    Les personnages de ce film et leurs environnement moral, rongé par l’ignorance de l’autre et la méchanceté, sont le juste reflet de cette ville qui fait ses habitants à son image. Partez deux mois à la campagne et vous serez autre, vous redeviendrez humains. Cultivez sur les toits des plantes sauvages et vous serez -presque- sauvés, hors de la prison des cœurs où les rêves s’embouteillent et les murmures déchirent les tympans (mêmes les plus endurcis par le vacarme que l’ont peut s’octroyer à soi-même pour éviter de sombrer).

    Brieuc Le Meur
    21017. à Berlin depuis 10 ans et sauf.
    Brieuc Le Meur
    21017. à Berlin depuis 10 ans et sauf.

    https://www.arte.tv/fr/videos/054789-000-A/les-heures-souterraines/

  37. Lise - “réparer les vivants” de Maylis de Kerangal. dit :

    “réparer les vivants” de Maylis de Kerangal.

    Plaidoyer pour la vie, explication minutieuse, appliquée, presque scolaire d’ une greffe. Esprit lumineux et solaire tout au long de la lecture…Le corps devient un monde à lui tout seul. D’ ailleurs, la médecine en général occulte la mort, ne la définit pas, n’ en parle pas. On ne parle que de viscères, de sang, de fonctionnement, d’ appareils de supplantation, et d’oxygène…. On devient ce corps, ou on se l’imagine.On imagine l’ extrême précision des gestes chirurgicaux, et la portée de leur pensée… Défendre la vie, c’est bien, mais jusqu’où, à quel prix? Pourquoi certaines personnes ne peuvent être sauvées, qui le décide? Comment pense-t-on son corps, lorsqu’il est constamment objet de sollicitations réparatrices? On l’occulte et on cultive l’ âme, cela sauve. Comment vivent ses médecins qui jonglent, et qui font parfois 15 heures de garde d’ affilée? Peut-on être serein en reliant en permanence vie et mort?
    Beaucoup de questions, mais sujet très intéressant. Je ne crois pas à l’ inéluctable, je crois à la vie et à la conscience, au doux regard du monde sur la vie et son essence. Très belle lecture sur n sujet extrêmement délicat. On s’ inclinerait devant l’ auteur.

    ” Le plus essentiel c’est l’âme que l’on donne à ce que l’on fait. Si notre nature profonde est en accord avec notre coeur, autour de vous, tout respire. ”

    “Le vivant est la place qu’il se crée. Il est là.”

  38. jul smet - le r'nb populaire français dit :

    Je découvre Jul à la mort de smet, et c’est pas mal en fait, je ne connaissais pas. j’écouterai pas car la musique est nulle, mais il y a du coeur, c’est simple, et je comprend que ça touche les gens et que ça marche.
    En vérité, on saisit quoi ? Que l’avant garde xp, que la chanson bourge, c’est mieux ? Que la musique ethnique ou la darktechno c’est plus sérieux? Mais si personne ou presque ne l’écoute, notre musique savante, et si personne ne les lit, nos textes stylés, c’est qu’il y a une raison. Johnny faisait la même chose : raconter des trucs proches des gens, des gens déjà meurtris par une société qui les dépasse d’une tête, d’un salaire, d’une technique, d’un ton.

    https://www.youtube.com/watch?v=EYcHCt2Y3NM&feature=share

  39. quoi faire et comment dit :

    En art, vous rencontrerez toujours quelqu’un pour vous dire quoi faire et surtout, comment.
    Dernier échange en date, avec une chargée de promo qui, sautant de jobs en jobs sans jamais persévérer, vous confie très sûre d’elle: « De mon expérience, les spécialistes s’en sortent toujours mieux que les généralistes… ».
    Ainsi va le monde et ses préjugés, son empire du milieu, ses milliards de milliards de petites couardises devant l’infini, ou comment vous lisent ceux qui ne produisent rien : par la tranche, par les principes d’identités collées sous les merdes d’hirondelles.

    blm

  40. Blm : Under The silver lake. dit :

    Under the silver lake ✅

    2018, réalisation : David Robert Mitchell

    Film de gros plan et de lumières de l’aube sur un Los Angeles à plafond bas ; le personnage principal est la plupart du temps face à nous, face à vous, face à moi, face à lui-même peut-être, et à chaque plan, à chaque scène presque identiques, on pénètre à fond dans ce qui reste de vivace à la fois dans la culture ciné-bouquin de la Californie du sud, parties absurdes et oisiveté critique, comme dans l’existentialisme américain qui s’effrite à chaque mensonge -garde ton humour, le ciel t’aidera-, à chaque coup de butoir d’une politique qui essentialise la fausse nouvelle comme la fausse déclaration depuis que trump pour nous existe. La banque, ton propriétaire, la fourrière, l’amour, peuvent te laisser sur le carreau ; au moins, il est étoilé.

    L.A. plus jamais confidentiel. On est dedans, dans ton cerveau, dans ton ellipse et dans ce qu’on appelle dans tes premières années de beaux-arts la : mise en abîme. Mais au fond du trou de la cave du village abandonné du pays macabre, il y a un autre trou, laissé par le macchabée d’avant. Vous n’avez jamais rencontré un type de Los Angeles ou une peintre qui revient de cette ville ? C’est panique tendue et vapeur moite. Les regards, les expressions, ne sont plus très sûrs. C’est new-age média et adolescence profonde, littéralement incurable. Cet âge-là, c’est comme une maladie, et le problème c’est qu’on commence toujours par être jeune, à L.A…

    L’esprit là-bas vous colle à la peau et si vous ne fuyez pas tout de suite pour rentrer dans la vieille Europe et ses principes éprouvés de réalité, vous sombrez dans l’opulence matérielle et rien ne vous sauvera, rien, que dalle, pas même d’être sous les décombres d’Hollywood, pas même d’être près de la mer. Démerdez-vous pour vous noyer en piscine au sommet d’un immeuble, pour conduire une Mustang et pour avancer en titubant comme si on vous avait cassé les jambes, les reins, et toute votre inspiration.

    Los Angeles est une ville étrange, m’avait dit un programmeur informatique exilé à Berlin. Et lui-même… était étrange, alors… si lui disait ça… Et cette peintre, une russe qui buvait la hype comme on sauve une terre qui n’a pas vu l’eau depuis des mois. Cette ville l’avait rincée de patchouli pop, de vulgarité avec trop de zéro derrière, et sans chiffre devant. La moindre idée, le moindre signe de reconnaissance, le plus infime détail digne d’une carte postale post moderne lui électrisait l’imagination, pour un résultat… désuet et sordide.

    Sordide, c’est le mot, lorsqu’on suit, de gros plans en largesses faites au destin, l’acteur principal, sorte de Han solo jamais devenu pilote. Voilà ce qu’il fait : il drague, baise, ne paye pas son loyer, ment à sa mère, cherche la limite. Il cherche à tout perdre, il ne croit plus en rien. Le nihilisme de classe a secoué en lui le plus que ses entrailles ne peuvent le supporter. Il vomit sa fièvre oisive et son tempérament de geek sexué, pour une fois ; qu’on lui accorde ça. Dans un sens, quoi de plus flatteur, dans cette ville de fous, de débiles mentaux, de tarés élégants, de jouisseurs collés aux années 80, que de suivre à la lettre leur croyances, leurs lubies décérébrées, leurs hallucinations collectives. C’est le 600ème film comme ça, issus des romans de Bret Easton, en passant par Map to the stars, issus de Retour vers le futur, jusqu’à… un homme qui dort (peut-être) de Perrec.
    Allons, remontons jusqu’à chez nous ce qui fait la sève des garçonnières à maman, des villégiatures hors du temps. C’est peut-être ça, Los Angeles, sauf que ce n’est plus le temps qui est arrêté, c’est le vortex… qui ne s’arrête plus. On les a tous perdu. Mais lui, il s’aventure. Il nous fait complices du procédé dernier de la fiction non hollywoodienne : l’impossible, le non justifié. Ni fou, ni drogué, ni doté de super pouvoirs, ni pris dans des forces obscures. Non, c’est tout l’écueil post moderne des fictions qui s’éprouve encore une fois et qui cherche coûte que coûte à trouver une justification à la liberté, canevas à l’obsolescence programmée du cinéma d’auteur «cool», du tremplin critique, de l‘oscar du meilleur millenials qui n’a rien à dire que sa propre peur, que sa propre délivrance. On en passe par l’atomisation du nihilisme même, on force le récit à s’accoutumer au pire, au rebondissement, et puisque rien ne peut justifier la folie, ni le psychédélisme, ni les super pouvoirs, c’est Hollywood, le cinéma même, qui se trouve pris en référence, et c’est reparti pour une heure de plus de scènes où l’enquête se mêle à la quête puis, c’est un comble, à la normalité. Ce n’est même plus un rêve. Même les vieux du coin ont fait bien pire! Même les vieux ont vu plus de flashs et de démons que le plus cool des trentenaires récalcitrants. Le fractal est inscrit dans la constitution. C’est un film de L.A. qui surchauffe au lieu de partir en Asie, un film qui filme aux aurores et dans le soir dément pour se retaper la lumière blanche d’une météo basse au matin, dans un cimetière de bouteilles et quelques tombes véritables. Lumière et décor, plus rien ne se détache, tout est pris dans la pâte : on les traverse bourrés en berline, et chaque nana est une travailleuse consciencieuse, une libertaire consacrée.

    La vérité est sous le lac d’argent, sous le mercure des astronautes, dans la chanson de Dylan : « How do you feel ? To be on your own. Like a rolling stone » (comment tu te sens, livré à toi même, sans attache et sans lien, sans danger aussi) pour dire que chaque initiation vous laisse au même endroit, mais au moins, vous savez que vous n’en mourrez pas. Dommage… car parfois, il y eut eu moins d’efforts à faire.

    Le film est pas d’une profondeur démente, enfin pas aussi démente que peut l’être l’aventure quasi « réaliste » du protagoniste, sous couvert d’être border line ou de vivre dans une ville de fous. En revanche, le métrage fait passer un très bon moment de l’american-dream-psyché-grinçant, assez loin du monde du travail et de ses responsabilités.

    Demain est toujours un autre jour.

    Putain de vie.

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    Brieuc Le Meur, Blois
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  41. Brieuc Le Meur - Mandy dit :

    Mandy (movie) ✅

    Thriller américain coécrit et réalisé par Panos Cosmatos, sorti en septembre 2018.
    Réalisateur : Panos Cosmatos
    Avec Nicolas Cage
    Bande originale : Jóhann Jóhannsson
    Scénario : Panos Cosmatos, Aaron Stewart-Ahn
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    Mandy est film rouge, comme son affiche, comme le sang qui passe dans vos paupières lorsque vous appuyez et que les flammèches traversent votre rétine.

    Mandy est un film simple. Mais j’imagine que sa conception et le temps qu’a pris le scénariste et réalisateur Panos Cosmatos, dont on ne sait rien, ont été longs. Décider de la simplicité, de l’épure, renforcer ses défenses pour aller au bout cette démarche, n’est pas un travail facile.

    Mandy semble avoir été conçu pour assumer le format de série B, avec sa trame réduite à l’essentiel : la jouissance radicale, brute, sans autre ambition – chez le spectateur- que de rire des pires horreurs. C’est assez proche des intérêts d’un morceau de musique de danse ciselé, où le drop fait loi, le changement de rythme, la relance, la brisure, le geste insolent, vibrificateur, exutoire et sublimation, dérisoire aussi, quand on y pense ; cela participe de la même idée, de la réalisation. C’est une démarche populaire parce qu’elle ne prétend pas autre chose que ça. Achète une pizza, tu as ta pizza. Et tout ce fromage ! Et cette sauce rouge sang, rouge miroir !

    Essentiel. C’est la même pour l’acteur de Série B le plus crédible et le moins vulgaire d’Hollywood, le plus capable, sans flancher, de passer de genres plus secondaires à des projets arty : Nicolas Cage.

    Avec lui et ce film, il est certain que des milliers de cinéphiles vont redécouvrir sa filmographie démente. Il cumule cs rôles de bon diable qui se venge, qui se venge ,et qui se revenge. Il en pâtit, avant, pendant, après, mais peu importe, sa rage fait foi. Ses habits de fortune, ses t-shirts absolument grotesques. On s’y croirait. Elle est là la vie la vraie, détachée du regard des autres au fond, puisque c’est tellement gros, tellement atterrant. Le massacre est culturel Le massacre c’est l’Amérique, c’est l’isolement. C’est le gangster du pays de Galles et du Brandenburg, paumé depuis 5 générations dans les rocheuses. C’est jésus et son gun.

    Alors, le script est taillé dans un seul bloc avec la même idée : Présentation du couple. Présentation des méchants. ça va très vite. Passage à l’acte. Vengeance du héros qui a perdu la femme de sa vie. Il devrai porter tous les fardeaux à la fois. ça avance tout droit comme un morceau de musique hypno. Il n’y a pas d’autres effets que cette générosité. Pas d’autres effets ? Peut-être pas. De nombreux films sont passées par là, et ont imprimé une marque post moderne. On peut, on sait, on a le droit, de faire durer des scènes et des actions qui ont été décharnés par l’époque, et que chacun porte avec des produits, de l’alcool, de la musique, et c’est comme ça la vie, et avant on avait pas trop le droit de le montrer et encore moins de l’assumer ; mais aujourd’hui, la rincée acide, les pluies de comètes libérales, les discours politiques à la radio, l’Amérique, la nation, que Cage coupe immédiatement pour rouler tranquille… Tout cet isolement des âmes. Boulot, rien. Boulot. Rien. Enfin si, on peu de chaleur humaine. Le bourdonnement des âmes. Le bourdonnement de cette bande son. Ces saturations de rouge et l’appui clinique du montage. On se sent dans le coton. C’est presque une thérapie. On sombre simplement dans la folie comme on se remet simplement d’un cataclysme. Le passage d’un état à l’autre est net. On a même plus peur. On rit. L’émotion est lisse.
    Dans l’ADN quasi identiques des spectateurs et des personnages, dans l’ADN du cinéma même, plus si éloignés, on est habitué aux surdoses, aux médocs, au pire de l’ennui, de la résignation. On s’est même habitué à sortir trop tôt de l’enfance, avec des bouts qui restent accrochés aux branches.

    On s’est presque habitué à la mort, au sublime ventre à terre, aux hallucinations. On s’est habitué à ce qu’il n’y ait pas de grands changements au fond : on se fait niquer par la grande Organisation, par la secte noire, par le monde incohérent. Mais on a plus peur. On est juste hébétés.

    On est Mandy et Nicolas, à qui on ne parle pas au drugstore car ils ne vont pas au cinéma, eux.

  42. Brieuc Le Meur - Les noces rouges / Chabrol dit :

    https://www.arte.tv/fr/videos/006168-000-A/les-noces-rouges/

    les noces rouges / Chabrol – 1973. ✅

    Chabrol n’est pas celui par lequel les critiques frémissent de concert, arte ne dérogeant pas à la règle, avec l’expression aussi culte qu’inexacte: « Claude Chabrol dessine un portrait grinçant de la petite bourgeoisie de province ». C’est faux. Claude Chabrol est un réalisateur populaire, charnel, ogre, malin et obsessionnel, sale et saligaud. Il est champêtre, campagnard. Ses personnages sont rustiques, tapageurs, malhonnêtes. Et si effectivement quelques bourgeois s’y prélassent chimiquement sur la pellicule, c’est pour mieux camoufler les instincts animaux qui sentent fort l’ours, le sanglier, le faisan. La sauvagerie est en habits ; mais ça reste de la sauvagerie.

    Les noces rouges de Claude Chabrol est comme un vieux porno sans sexe. Il y a tout là-dedans qui puisse se rapporter à une oeuvre classée X, du genre « Partie de chasse en Sologne », ou « Baronne enculée devant la cheminée ». Les exagérations du jeu de Michel Piccoli et Stéphane Audran comblent à merveille l’absence de d’organnes sexuels, mais tout y est cru et vulgaire.

    Le cinéma de Chabrol, c’est des instincts. S’ils sont lâchés c’est par maladresse. Ça dépasse ses personnages. Ils sont submergés par leurs pulsions. Quoi de plus confondant et révélateur, quel meilleur des maquillage, que ces créatures solitaires, seules devant l’éternel, bêtes sauvages au milieu d’un dîner mondain. Vous savez, et je le répète dans toutes mes critiques, l’art c’est comme un rêve et dans un rêve vous êtes tous les personnages, un pour chaque mouvement sur l’échiquier du mal. Jamais l’échiquier du bien.

    Dans « l’Enfer », c’est la torpeur de la jalousie, fiction dans la fiction, sentiment irrésolu qui ne se tient pas en laisse (la jalousie est une maladie de la langue). Dans « La cérémonie », Sandrine Bonnaire fusionne avec les châtelains, pour dresser le constat sans appel de la brutalité qui transcende les classes sociales, les niveaux de langage. Dans un sens, il ne reste que la plus basse fosse. Le contexte est chiche mais c’est la putréfaction, le rance pays, l’oubli et la ruine morale qui dominent. Le contexte est un prétexte. Con et prè, bêtise et l’avant, le très avant; le cro mignon. Les décors s’effondrent, les titres s’érodent, les cultures disparaissent. Il ne reste que la vérité nue des cheminements intérieurs, des râles et des constats hagards. Tous sont nus devant la cruauté du réel, du froid, du feu, des tiraillements de l’âme, de la lame du couteau, du cri du fusil de chasse qui ne ment pas, lui, des mensonges et des malversations. Tous sont égaux devant la violence.

    Là-dedans, Claude Chabrol kiffe. Il est un bon vivant. Ses personnages sont des voleurs (de liberté, de temps, de lieux, de personnes). Il la prennent, cette liberté, quitte à tuer. On voit bien que les morales admises, la courtoisie, l’éducation ne pèsent rien, absolument rien, devant l’essentiel. C’est pour ça qu’il ne faut pas se fier à l’emballage. Jamais.

    Dans les « Noces rouges », il y a cette fin, cette dernière parole…

    Celle-ci est au fond l’idée fondatrice du film mais Chabrol n’a fait que tourner autour, digresser de la première à l’avant dernière image, affirmant en secret sa conviction, contre les producteurs, contre le public, contre la critique, avec son intuition première qui domine tant ses films que cette humble critique sur un blog français : « Non nous n’avons jamais pensé à nous en aller »…
    Voilà ce que disent les deux amants meurtriers de leur épouse et mari respectifs, finalement rattrapés par la police et la fausse culpabilité catho d’une fille zélée. La ils sont bien bourgeois, mais le temps d’une minute seulement. Avant, ils sont des bêtes grossières et laides « Non nous n’avons jamais pensé à nous en aller »: mélange de stupidité et d’attachement à l’immobile. On reste les mêmes devant l’évidence. On ne penserait pas à changer de vie. La caste des notables est fixée à son irresponsabilité, à son inconséquence, à sa jeunesse éternelle.

  43. Tout ceci pourrait s’appliquer aussi, voire davantage, à von Stroheim, surtout celui des Rapaces (1924), film muet mais éloquent, modèle presque insurpassé de naturalisme US, aux origines certes européennes, grand petit traité impitoyable des appétits, des pulsions, des profondeurs et des dentitions.
    Chabrol en « pornocrate » insoupçonnable, insoupçonné ? Pudique, ex-catholique, le cinéaste rhabilla la belle Sylvia Kristel, préféra pénétrer sa psyché à la Carroll.
    Quant à la sauvagerie, elle n’existe jamais au ciné, seulement son imagerie, si, si.

  44. auddie dit :

    Cher Jean-Pascal Mattei, votre passage ici me fait bien plaisir.
    Je vais aller voir les films de ce « de la Paille » (traduction littérale de « von Stroheim »).
    Chabrol pudique, ex-catholique ? ça oui sûrement, mais il n’y a pas de contre indication avec la pornographie.

    amitiés

    Blm

  45. Antonin Artaud - l'écriture est de la cochonnerie dit :

     »  »

    Toute l’écriture est de la cochonnerie.

    Les gens qui sortent du vague pour essayer de préciser quoi que ce soit de ce qui se passe dans leur pensée, sont des cochons.
    Toute la gent littéraire est cochonne, et spécialement celle de ce temps-ci.

    Tous ceux qui ont des points de repère dans l’esprit, je veux dire d’un certain côté de la tête, sur des emplacements bien localisés de leur cerveau, tous ceux qui sont maîtres de leur langue, tous ceux pour qui les mots ont un sens, tous ceux pour qui il existe des altitudes dans l’âme, et des courants dans la pensée, ceux qui sont esprit de l’époque, et qui ont nommé ces courants de pensée, je pense à leurs besogne précises, et ce grincement d’automate que rend à tous vents leur esprit,

    _ sont des cochons.

    (extrait d’un texte d’A. Artaud, tiré du Pèse-nerfs) »

  46. auddie _ pacôme thiellement et les séries dit :

    https://youtu.be/2ct4E_wlZ9A

    En juiller 2019, Pacôme Theillement, geek qu is’est construit une solide audience sur Facebook, avant de subitement fermer les robinets, et retourner dans l’oubli, nous offre une dernière vue de l’esprit à propos de la culture des années 90. Ici : https://youtu.be/2ct4E_wlZ9A

    Les séries ont donc « apporté un sens à la vie des gens sur terre » face à une « télévision débile ».

    B’est-ce pas de l’inverse qu’il s’agit ? la télévision en elle-même n’est pas débile (c’est le spectateur et le producteur, les publicitaires qui le sont). Ensuite, les séries représentent le paradigme de la souffrance, puisqu’elles assument de faire perdre encore plus de temps aux gens ; c’est l’anéantissement au fond du sofa. Ensuite.., les gens ne sont pas victimes, mais acteurs de ces phénomènes. Prenons exemple des religions animistes ou païennes : même après des siècles de terreur catho ou de diktat de la pensée pop, les gens n’ont pas oublié leurs rites et leurs inclinaisons d’antan. Le « sens de la vie » ne s’est pas perdu, Le « sens du corps » -debout-, lui, oui, il s’est perdu, et le corps s’effodr,e comme les sens, comme Le sens, puiqu’il n’y pas d’autre sens sans ces sens. Les nouveaux maîtres à penser de chez PUF nous rabâchent sans cesse les points de vues pop consensuels qui vont de pair avec les réseaux qui les ont crée. Retour au sofa, donc. Merci.

    *

    C’est à dire que … le critique a le droit d’essentialiser les oeuvres pour en faire des totems actifs. Selon moi : elles ne le sont pas. Ces analyses sont des montages qui espèrent toucher autant que les oeuvres elles-mêmes. Ces prolongements disent autre chose que l’oeuvre ou le médium étudié ; elles disent : soi. Les mots-passion inventent un ressenti quand il ne réside qu’une ambivalence des signes entre eux, des éléments esthétiques ou contre esthétiques, dans un continuum plus grand que tout, plus grand que nous. Si une chose est nouvelle, dans une oeuvre, c’est minuscule comparé à ce que vivent les gens. De même que le sociologue veut devenir une rock star de l’université en se choisissant des sujets tapageurs, le critique grandit la portée des œuvres, alors que tout est au même niveau, culturel, physique, subjectif, risquant de les projeter hors monde, à les rendre presque inactives (pour autrui) tant sa composition critique, son oeuvre à lui, est une fréquence étroite, minuscule. Il bétonne là où il n’y a rien. Je ne dis pas que les critiques et les collectionneurs ne sont pas utiles. Ils donnent du sens au travaux, aux doutes, au sérieux des auteurs qui se projettent souvent dans cette reconnaissance des pairs intellectuels. Mais on oublie que les critiques et les journalistes inventent aussi une perfection quand il n’y a que chaos. Ils magnifient la vie des cinéastes quand il n’y a que douleur, doute et frustration. Et ce n’est pas une bonne image donnée aux aspirants artistes. Ce n’est pas la réalité. A vrai dire, 99% de l’expérience véritable est occultée. Aussi, ce n’est pas là où agit l’oeuvre, en définitive. Qu’elle soit bonne ou mauvaise, d’avant garde ou populaire : tout est subjectif, mouvant. Un twin peaks aura peut-être l’air affreux demain, tandis qu’une émission de télé réalité idiote et assumée sera vue comme géniale, expressive, flamboyante d’authenticité historique. Il y a plus d’intelligence dans l’abattement que l’on subit face aux cultures du rabais -transformées deux générations plus tard, que dans les expressions nobles, par ceux qui ont cru tout savoir… De même, la garantie de vertus plus élevées face à une oeuvre plus élevée n’existe pas. Les pires salauds de l’histoire sont les plus cultivés. Les personnes les plus justes et sensibles, équilibrées, n’y connaissent rien en art. Ce sont eux les vrais héros de la vie, et souvent, les vrais sujets d’étude. C’est pour ça que cette grille d’analyse très PUF est fausse, comme tant d’archétypes pop qui sont des constructions intellectuelles urbaines, chaleureuses, sympathiques.

  47. Estelle du Bailly - un million de vue dit :

    Certains veulent nous faire croire qu’ils sont philosophes mais leur vie est une succession de travaux sédentaires, immobiles. Des internautes critiquent les spectres de la politique macronistes mais ils sont identiques. Note pour leur rock n’roll : ll ne suffit pas d’empailler le cadavre de la pensée et des arts pour raviver le souffle du cauchemar humain (Echange volée de bois vert contre plastique de rêve, toujours la même histoire du corps). On hait leur ventre creux.

    Certains veulent être des critiques parisiens pop, catégorie: sympa. On leur laisse la place très volontiers. On les encourage même.

    Certains sont toujours poètes de merde : voix dés-harmoniques, mal placées. Poèmes à faire souffrir un sourd qui sait lire sur les lèvres qui disent tout sauf la beauté, sauf la pluie, sauf le vent, sauf la musique et le repli. Un million de vue sur youtube certes, mais avec le mot ‘sex’ dans le titre. Certains font de la promo pour toutes ces platitudes qu’on ne désire ni par le livre, ni par la notoriété. Aucune de ces âmes ne transcende quoi que ce soit puisqu’elles prennent place dans ce qui les soumet.

    Et puis il y a ceux qui ont tout fait pour ne pas subir ce déploiement d’innocuité professionnelle, et surtout d’hypocrisie. Refuser l’hypocrysie, la lâcheté, est uen sorte de suicide contemporain. Ils se sont tenus éloignés d’une existence organisée pour la carrière. Toutes leurs tentatives cachaient mal une gêne d’être là où les regards se croisent mais ne tissent pas. Ils ou elles ne se sont jamais vantés d’être des fruits sans arbre, sans faute ni forfait, sans succès ni pardon.

  48. blm - "La drôlesse" dit :

    Je viens de voir « La drôlesse » (Doillon, 1979). Génial film sur deux mal aimées, deux adolescentes à l’accent de la Manche. Un bout de France qu’on dira perdu ? Il est peut-être derrière votre smartphone, ce bout qui s’en va ? Moi, je n’en ai pas (de smartphone), mais à chaque fois que je visionne ce genre d’oeuvre, j’ai l’impression que mon curseur de réalité se recale sur une chose impossible, et que tout revient.

    Il y a peu, c’était une des premières oeuvres de Pialat : « la maison des bois ». Juste magnifique.

  49. Pascal Nyiri Brévard / album Lili dit :

    Tu t’appelles comment / Lili Frikh / Brieuc Le Meur / Sortie le 22 septembre, aux éditions f4 / Alien Trend.

    Ça s’appelle : Tu t’appelles comment ; mais ça s’appelle comment ? Jusqu’ici, ça ne
    s’appelait pas, ou bien on disait poésie, écriture, belle écriture, on disait c’est beau, très beau.
    On disait. Mais ce que Lili offre dans cet album c’est l’expérience visible, éclairante, que la

    parole est déjà (en soi) écriture ; et que la parole s’offre comme le mot bienveillant (ou non-
    bienveillant mais sincère) à l’ami. La parole n’est parole que si elle s’écoute, et c’est l’Autre,

    le Confident, qui écoute, certainement, à coup sûr. Et Lili, comme tout poète – même s’il
    n’écrit pas et qu’il dit (s’arrête au dire, mais c’est déjà immense) – Lili perçoit assurément,
    dans la seconde, la conjoncture miraculeuse d’être en face de l’Autre. Une certitude : dire ce
    n’est pas dire. Dire ça reste. C’est écrit dans la tête, ça y est pour toujours (le vrai toujours qui
    ne dure pas).

    Ça s’appelle : Tu t’appelles comment. Il s’appelle Brieuc Le Meur. Il vit et travaille à Berlin
    l’enclave futuriste de la dystopie : Art Vivant. Ça se passe la nuit, il se dénude, les ténèbres
    aussi se dénudent, ça ôte ses défenses, ça accepte d’en prendre plein la gueule sur le ring de la
    vérité juste (ou injuste mais nette), ça accepte le coup douloureux de l’aveu pur qui s’infiltre
    et part aux cieux de l’être à la vitesse d’un crochet du gauche. De nuit en nuit Brieuc
    enregistre les mots d’un combat inégal, et ce qu’il enregistre temporise ou plutôt organise le
    taux de ce qu’il peut recevoir, à la façon du psychanalyste face à la désolation (sœur du poète)
    de celui ou celle qui ne nommait pas et qui nomme enfin. Il y a un démarrage, exactement le
    même démarrage qu’une moto de course, les synthés, le vocodeur, les effets, iraient bientôt à
    250 si l’attraction terrestre ne s’était pas effacée sous les touches d’un piano providentiel.
    Mais dans ces enregistrements rien ne disparaît, ni la nuit, ni les mots, ni les réseaux de la
    cybernétique, tout se rejoint, descend sans s’annihiler, remonte sans violence. Les paupières
    fermées j’ai vu Brieuc Le Meur.

    Ça s’appelle : Tu t’appelles comment. Ce sont dix années d’échanges, la durée du
    vieillissement d’un whisky dans son fût de chêne. C’est à la fois une articulation et une
    désarticulation, mais entre les mots : rien, et surtout pas la musique. La musique ici est le lit
    du repos de Lili, allée à l’héroïsme, revenue et repartie, non pour elle même mais pour l’objet
    qui ne s’appelle pas, ne répond pas à son nom, et se demande toujours ce qu’il fait là, entouré
    de qui, sans pour cela que ce soit une interrogation. La question n’est pas ce qui demande la
    réponse, la question pose des mots. Et l’amour ? demande l’amour à l’amour.

    Ça s’appelle : Tu t’appelles comment. Je ne veux pas oublier la machine, la machine c’est le
    fée Carabosse, elle est à Berlin, dans l’âme de l’histoire. Ne l’oubliez pas vous non plus, elle
    garde tout en mémoire, en cela on ne peut être plus fidèle. La machine joue le rôle du
    chirurgien, non pas pour opérer le texte, ou Lili, ou Brieuc, mais réparer en nous, moi le
    premier, l’os rompu dans l’incident d’être né.

    Bonne écoute à vous. Fermez les yeux pour mieux y voir.

    Pascal Nyiri Brévard – 14/07/2022

    *

    Lien de téléchargement / CD
    https://f4editions.bandcamp.com/album/tu-tappelles-comment

  50. Ben Coudert - tu t'appelles comment dit :

    Ils s’appellent comment ?

    Ils s’appellent Lili Frikh et Brieuc Le Meur et ils viennent de sortir un disque singulier.
    Il s’agit ici de poésie mise en onde… ce qui ne veut pas dire grand chose ou tout et son contraire. Il se trouve d’ailleurs que moi-même je porte beaucoup d’intérêt à cet exercice périlleux et que je m’y risque depuis quelques temps à coups d’essais et de tâtonnements.

    Alors puisqu’on parle de poésie, celle de Lili m’a mis une grande et belle claque. Sauvage, lunaire, instinctive et pleine d’émotion, son écriture prend sa force dans le fait justement qu’elle n’en est pas une. Nous parlerons plutôt de sa non écriture, son anti-poésie qui dépasse les mots et rend enfin grâce à ce qui est ou devrait être le véritable objet poétique.

    J’ai toujours pensé que les meilleurs poèmes étaient des photographies… et que les mots, trop humains et prétentieux, s’accaparaient la plupart du temps le premier rôle, volant la vedette à la poésie alors qu’ ils ne devraient être là que pour la servir.

    Si beaucoup de poètes s’écoutent, Lili fait le contraire. D’ailleurs, mal voyante, elle ne se regarde pas non plus.
    Est-ce la raison de l’hypersensibilité de sa poésie ? Je ne sais pas. Elle effleure ce sujet comme plein d’autres dans un tourbillon émotionnel qu’on traverse avec elle… et c’est sous la forme d’un dialogue morcelé, par petites bribes intimes que jaillit la richesse de son monde intérieur.

    Brieuc et elle ont choisit comme matériau leurs conversations. La plupart du temps Brieuc lui répond avec sa musique mais parfois on entend aussi sa voix. Ils parlent d’arts, de sentiments, de tout et de rien mais quand même surtout de tout, nous invitant parfois même dans leurs réflexions sur ce qu’ils sont en train de faire… ce qui nous plonge dans une délicieuse mise en abîme. On les suit dans leurs errements et leurs questionnements…

    La musique est magnifique, toute en clair-obscur… minimales et organiques, flirtant parfois avec le field recording, les textures sonores de Brieuc accompagnent admirablement les mots de Lili, tournoyant avec eux dans un free jazz de pensées et d’émotions, ou les hasard et les expérimentations ont été gardées intactes.
    Un album à fleur de peau, ultra humain et sensible.

    J’ai vraiment adoré, c’est la raison pour laquelle j’écris ce texte. Allez jeter une oreille ici et achetez leur magnifique disque

    *
    Ben Coudert. Musicien.

    *
    Lien de téléchargement / CD
    https://f4editions.bandcamp.com/album/tu-tappelles-comment

  51. Brieuc Le Meur - "Transit" dit :

    « Transit » est un film allemand où des allemands vivent à Marseille dans une dictature française, et jouent au foot avec des gamins qui parlent eux-mêmes allemand parce qu’il ont visionné des matchs du Borussia Dorthmund. C’est le contexte de l’occupation, de la résistance française, mais complètement retourné dans un contexte autoritaire moderne. Le héros, allemand, est -enfin- le résistant. Il est incognito… Il usurpe même une identité, celle d’un écrivain, encore un, comme quoi, ils ne servent qu’à ça, ces gens, à porter des personnages de fiction (plutôt que d’être lus, ou mieux, que l’on comprenne vraiment ce qu’est une vie d’écrivain, du labeur pas très sexy, et de la morale rentrée).

    On ne sait si le scénariste cherchait à réinventer sa culture, et l’exporter au soleil dans des couleurs saturées, ou si le désir de dépasser la culpabilité historique se matérialisait dans l’uchronie, histoire et contexte fictionnels, pour finalement aller au delà de ce qu’est l’Allemagne d’aujourd’hui, un espace aux contours flous et étroits qui tente se réinventer, sans savoir encore exactement comment.

    Reste aussi la troisième voie : la grande valse des valeurs et des non sens, des références et des incertitudes, où le tragique, justement, C’EST l’incertitude, c’est l’irréalité. La distorsion ne peut alors laisser place qu’à des choses anciennes, figées, tout en voix off dans des cafés, en fait, parisiens, comme si une immense intelligence artificielle avait tout mélangé.

    On se croirait dans « pick pocket’ de Robert Bresson, ou dans « le mépris », ou dans un film de flic des frontières texan à Mexico, ou d’espion à Tel Aviv, ou à Mogadiscio, un film à la photo parfaite, au son super léché.

    Bande Annonce

  52. blm - Ridley Scott dit :

    Napoléon, de Ridley Scott. ✅

    Etant donné que l’homme a produit et réalisé parmi les films les plus intéressants de l’histoire du cinéma américain, Blade Runner (1) et « La chute du faucon noir », remarqué et cité par Godard, qui dépeint une fameuse déculottée Américaine en Somalie (on ne peut donc pas accuser Scott d’être particulièrement partisan), j’y allais sans chauvinisme aucun.

    La version en VO (au petit ciné berlinois Rollberg, à Neuköln, e seul qui offre des versions sans sous titres) est dérangeante, mais passé l’écueil linguistique et une révolution française où chaque citoyen n’est bon qu’à hurler comme un boucher, le rythme est soutenu, et même littéralement «expédié».

    Je dirais que ce n’est pas un film sur Napoléon, ni sur la France, ni même sur l’Histoire de l’Europe, mais un simple film de guerre et d’amour bâclé. A part les scènes épiques et décalées de victoires d’un despote pétri de contradiction (mais ça on le savait déjà), le métrage n’offre pas de grands développements psychologiques, à part la complicité fusionnelle du couple, redondante, idéalisée.

    On sent que ce qui l’a intéressé, c’est de dépeindre quelqu’un d’amer, de froid, sans conviction, qui, malgré son travail ou ses succès (Scott lui-même, peut-être), n’est finalement attaché qu’à la grande histoire de l’Homme : sa maman.

    En filigrane donc, un attachement à son pays. Ce qui fonde cet attachement, ou les mystères de cet attachement, aurait pu être exploité. Les positions des officiers également, ces vieux soldats d’élite. Tout ça offrait un terreau fertile.

    Le héros reste seul. Bon. C’est peut-être un film sur la solitude, avant tout. Après tout.

    *

    Je vous passerai plus tard quelques images que j’ai faites au musée Napoléon de La Havane, Cuba, qui expose, de façon permanente la collection d’un homme passionné, et sûrement un peu zinzin lui aussi : Julio Lobo. Un lieu absolument surréaliste. J’y ai pu lire quelques unes des fameuses lettres -originales- dont parle le film, comme les derniers mots manuscrit de Marie Antoinette, qui s’excuse auprès de ses enfants…

    https://en.wikipedia.org/wiki/Napoleon_Museum_(Havana)

    La chute du faucon noir, chef d’oeuvre d’une déculotée américaine :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Chute_du_faucon_noir

  53. B LM - Anatomie d'une chute dit :

    J’ai enfin vu « Anatomie d’une chute » dans un petit ciné berlinois, en VO, et je dois dire que le métrage a laissé une vraie trace en moi. Parfois ça peut être intellectuel, d’autres fois purement graphique, ou même un ressenti, un intérêt qui s’explique, ou pas.

    Et justement, c’était en version originale et ce premier point explique autant mon sentiment immédiat que le succès du film à l’étranger : ce n’est pas un film français. C’est un fim européen, sinon même, un film d’expatrié. Ça parle plus anglais que français, et ça ne s’articule pas particulièrement selon une trame culturelle française.

    C’est je crois ce qui séduit le critique : il se reconnait dans le brouillage des cultures, dans son déracinement, dans son usage pratique de l’anglais, et dans un certain sens, j’y vient, dans un ‘French bashing’ en surplomb (et même un German bashing), puisque la culture française y est déconstruite, comprimée, sauf à la fin, dans l’oralité de deux acteurs secondaires mais absolument géniaux, l’avocat général, et l’accompagnatrice de l’enfant aveugle. Donc en fait, dès le départ, le film est « american friendly » dans le sens où les personnages sont mis à mal, jugés, déracinés, le tout dans un environnement anglophone, et ce jusqu’à la structure familiale même.

    Ensuite, la qualité du film : elle repose sur une apparente simplicité graphique qui sous-tend la complexité scénaristique. Si le film était complexe à l’image (et non un ou plusieurs huis-clos, la maison et le procès), il brouillerait le développement psychologique, et presque, le hors cadre culturel, qui encore une fois, est international, moderne, amoureux. Frustré.

    Si cette simplicité est apparente, c’est que la réalisation se concentre sur les secrets et les intimités, les intérieurs profonds qui d’ailleurs, ne sont pas vraiment dévoilés. Il plane un sacré mystère, une ambiguïté, tant sur la personnalité de la mère, du père, du fils, du chien, de l’accompagnatrice, et même, des juges et avocats. Tout le monde est paradoxal, incertain. Bizarre. Névrosé. Boursoufflé d’usure et d’alcool. En lutte permanente dans un environnement dur, et froid.

    Je trouve, en ce sens, que le film est ultra moderne, et c’est cette apparence cheap qui permet ce sentiment honnête et courageux, qui a séduit, c’est certain, les juges du monde entier, qui eux aussi se sentent « à la limite » de quelque chose, de la société, société d’ailleurs qu’on ne voit jamais, ni infrastructures, ni rien. Une barre d’immeuble floue en fond de champ dans un plan peut-être. Un resto asiatique à la fin. Et c’est tout.

    Ensuite (mais je crois que j’ai déjà tout dit), les personnages sont à la fois forts et faibles, rongés et clairvoyants, gentils et méchants.

    L’histoire, elle, à la lumière de ce que je viens de décrire, s’assemble comme une série d’histoires, imbriquées, tenues par le personnage de l’actrice principale ; la même que dans ‘La zone d’intérêt » chroniquée trois posts avant, une artiste que je n’aimais pas, mais qui là, est absolument géniale d’authenticité, de vérité, de sincérité.

    Il y a l’histoire du film, l’histoire du chien, l’histoire du mari, l’histoire d’une dispute, l’histoire d’un désespoir, et surtout, et je termine là-dessus : l’histoire de l’écriture, ou plutôt, d’un conflit, d’une compétition artistique et émotionnelle, et , dans ce contexte particulier de l’écriture…. je dois dire que là, c’est absolument obscène, sinon même carrément terrifiant.

    Je ne sais pas ce que Justine Triet et son scénariste associé Arthur Harari, ont voulu dire, mais c’est un jugement terrible sur l’impuissance d’écrire ou de réussir, et la qualité justement, de le faire facilement, et parfois, de vampiriser les autres, ou « l’autre ». Car, comme le disait Jodoroswski avant de devenir gâteux, les vampires psychiques existent bel et bien.

    *

    Brieuc Le Meur
    Berlin

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